Jusletter

Chère lectrice, cher lecteur,

A la veille de l’ouverture de la plus grande manifestation sportive jamais organisée dans notre pays, Jusletter se devait de marquer l’événement avec la parution de sa troisième édition spéciale consacrée au droit du sport.

La discussion juridique autour de cet événement, qui représente la plus grande manifestation sportive jamais organisée dans notre pays, s’est focalisée sur deux thèmes principaux : la protection des droits commerciaux liés à l’événement, notamment en matière d’ambush marketing, et la sécurité, en particulier en marge du phénomène du hooliganisme.

Alors que la première problématique s’est quelque peu essoufflée après la décision du Parlement suisse de ne pas adopter une loi sur mesure pour l’événement, la question de la sécurité est de la plus grande actualité. Cette édition spéciale de Jusletter aborde cette problématique de trois points de vue. Patrick von Han nous dresse un portrait des mesures de coopération policière transfrontalière qui ont été mises en place en vue de l’Euro 2008. Sortant du cadre limité de l’Euro, le juge François Vouilloz revient sur l’interdiction administrative de périmètre prévue par la LMSI et examine plus particulièrement les possibilités de mesures similaires qui s’offrent au juge en tant que règle de conduite en cas de sursis (art. 44 al. 2 CP). Enfin, Nicolas Dutoit, Juge de l’ordonnance disciplinaire en matière de sécurité de la Swiss Football League, expose la réglementation privée de la Swiss Football League en matière de sécurité dans les stades.

Les étudiants en master de la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel ayant suivi le séminaire « droit et sport » ont participé à un procès fictif devant la Chambre ad hoc du TAS pour l’Euro 2008. Il portait sur la problématique voisine de la répression des actes racistes commis par des « supporters » et notamment la légitimité du principe de la responsabilité causale des fédérations (ou des clubs) pour les actes de leurs « supporters ».

S’il y a un domaine dans lequel il est probable que la Chambre ad hoc du TAS ait du travail au cours de l’Euro, c’est celui du dopage. Dans le cadre du Programme antidopage pour l'UEFA EURO 2008 il est en effet prévu que des tests d'urine et de sang seront pratiqués à l’occasion de chaque rencontre et que les 16 équipes participantes subiront également des tests en et hors compétition (chaque formation sera testée au moins une fois et, lors de ces visites, dix joueurs seront examinés). Reiner Cherkeh et Gunars Urdze nous présentent ce système et s’interrogent sur les problèmes que pose la règle l’art. 12quater du Règlement disciplinaire de l’UEFA aux termes duquel si plusieurs joueurs de la même équipe commettent une infraction de dopage « l'équipe en question peut être disqualifiée de la compétition en cours et/ou des compétitions à venir ».

Dans ce type de contentieux se pose la question de la compatibilité de la réglementation sportive avec le droit étatique. C’est à une analyse critique des règles de rattachement qui déterminent les règles de droit applicables en matière sportive et plus particulièrement devant le TAS que se livre Cédric Aguet, avocat, dans son article consacré au droit applicable aux relations juridiques entre l’UEFA et les joueurs.

Un autre domaine de contentieux possible pendant l’Euro est celui des procédures disciplinaires prises sur la base d’images télévisées, comme cela avait été le cas au Portugal en 2004 suite à geste particulièrement antisportif du capitaine de notre équipe nationale. Philippe Frésard, avocat et notaire, examine cette problématique en procédant à une analyse comparée des pratiques de la Swiss Football League et de la Ligue Nationale Suisse de Hockey sur Glace.

L’hypothèse évoquée par l’auteur de recourir à des logiciels permettant de procéder à un examen systématique des images télévisées des matches à la recherche de comportements graves justifiant une sanction disciplinaire n’est pas sans évoquer le débat fondamental qui se pose au sein même de l’UEFA à propos du recours à la vidéo dans les rencontres de football. Là encore, c’est une vision commerciale-juridique du sport qui s’oppose à une conception plus traditionnelle, réévaluée avec l’avènement de Michel Platini à la présidence de l’UEFA, tendant à considérer le football avant tout comme un jeu.

Cette même différence de conception se manifeste également dans les deux autres sujets brûlants dans le domaine de football, à savoir (i) le conflit entre le parlement européen et la FIFA suite à l’intention de cette dernière d’introduire la règle dite « 6+5 » selon laquelle, en début de match, les clubs devront aligner au moins six joueurs éligibles en sélection nationale et (ii) les conséquences de la désormais célèbre sentence Webster rendue par le Tribunal arbitral du sport le 31 janvier 2008. C’est à un commentaire de cette dernière sentence du point de vue de la liberté de mouvement des joueurs que se livrent Grégoire Mangeat, avocat, et Nicolas Bulle.

A l’heure où le count-down officiel sur le site de l’UEFA Euro 2008 indique 5 jours, 8 heures et 14 minutes, il ne reste qu’à espérer que le championnat d’Europe se déroule dans une atmosphère festive, sans actes de violence ni expressions de racisme.

Sur le terrain, il faut souhaiter que la compétition soit empreinte de fair-play, qu’aucun cas de dopage ne soit constaté et que les problèmes évoqués dans les contributions de cette édition spéciale ne restent que juridiques.

Avec nos meilleures salutations

Antonio Rigozzi

Dr en droit, avocat, Etude Lévy Kaufmann-Kohler,
Genève,
chargé de cours à l’Université de Neuchâtel, rédacteur responsable de Jusletter en droit du sport

Nils Güggi

Lic. iur., responsable
d’édition de Weblaw