Chère lectrice, cher lecteur,
La présente édition de Jusletter contient de courts articles tentant de répondre à la question de savoir si – et de quelle façon – la Suisse doit se doter d'une juridiction contrôlant la constitutionnalité des lois fédérales. Le sujet est d'actualité, car un récent rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) propose d'abroger l'art. 190 Cst. Ce changement signifierait la fin de l'obligation des autorités publiques d'appliquer les lois fédérales contraires à la Constitution. Le projet sera discuté par le Conseil national durant la prochaine session d'hiver.
Le premier article, écrit par le soussigné, situe les contributions suivantes dans la discussion actuelle sur une juridiction constitutionnelle et décrit brièvement leurs principaux thèmes. Le deuxième article, du Conseiller national Kurt Fluri (PLR SO), résume le point de vue de la majorité de la CAJ-N. Dans le troisième article, Walter Haller analyse les deux exposés présentés en 2010 par Maya Hertig Randall et Hansjörg Seiler lors de la Journée des Juristes Suisses et présente sa propre approche. Martin Schubarth, dans le quatrième article, s'oppose à la mise en œuvre d'une juridiction constitutionnelle, en arguant qu'il manque dans l'histoire récente de la Suisse des changements révolutionnaires qui pourraient la justifier. Dans le cinquième article, Oliver Diggelmann se penche sur la thèse de Martin Schubarth de manière critique et différenciée et souligne l'importance de la juridiction constitutionnelle pour une discussion politique qui vise le consensus. Frédéric Bernard examine, dans le sixième article, la question de savoir quelles autres modifications de la Constitution, outre la simple abrogation de l'art. 190 Cst., seraient nécessaires pour une organisation adéquate de la juridiction constitutionnelle. A cet égard, le septième article, de Felix Uhlmann et David Hofstetter, présente la manière dont la juridiction constitutionnelle devrait être conçue si l'art. 190 Cst. était abrogé. Luc Gonin décrit, dans le huitième article, la situation de la juridiction constitutionnelle et du contrôle de conformité des lois fédérales avec la CEDH, tout en esquissant des solutions pour résoudre les conflits de normes entre droit constitutionnel et droit international. Enfin, dans le neuvième article, Yann Grandjean attire l'attention sur le fait que la mise en place d'une juridiction constitutionnelle en Suisse, bien que souhaitable, est difficile à réaliser d'un point de vue politique. Il propose de renforcer le contrôle juridique préventif de la constitutionnalité par l'administration lors de la procédure législative, ce qui permettrait de satisfaire en même temps aux exigences démocratiques et aux exigences de l'Etat de droit.
J'espère que ces articles, courts et concis, contribueront à formuler toutes les questions essentielles qui devront être posées dans le débat politique qui se prépare. La question de la mise en place d'une juridiction constitutionnelle est d'une importance fondamentale pour l'ordre constitutionnel suisse. La discussion démocratique à ce sujet ne devrait surtout pas devenir une polémique populaire ni une idéologie introvertie.
Markus Schefer |
Professeur ordinaire de droit constitutionnel et administratif, Université de Bâle Rédaction Jusletter |